VINGT SIECLES DE SAVOIR-FAIRE
La région de Châtelet dans la province de Hainaut est réputée depuis des siècles pour ses céramiques. En effet, les grès de Châtelet se vendaient dans le monde entier.
Grâce à des fouilles archéologiques menées entre 1986 et 2002 sous l'égide de la Région Wallonne à l'instigation de la société d'histoire du «Vieux-Châtelet», on sait avec certitude que des potiers oeuvraient à Châtelet à l'époque romaine.
En effet, un four de potier a été mis au jour et daté au carbone 14 par l'Institut Royal du Patrimoine Artistique de Bruxelles comme étant du 1er siècle de notre ère.
En 1595, le Chapitre Saint-Lambert de Liège, seigneur de Châtelet, Pont-de-Loup et Bouffioulx accorda sa charte au Franc-Métier des potiers de pierre de leur seigneurie sambrienne. Cette charte confirmait l'existence d'une très ancienne activité locale.
Au XIIIe siècle, déjà, quatre potiers châtelettains payaient une redevance au Chapitre Saint-Lambert de Liège, en échange du droit qui leur étaient accordé de prélever, dans les bois de la Seigneurie, la terre spéciale qu'ils utilisaient.
Les potiers trouvèrent sur place, durant de nombreux siècles, la matière première, une argile de bonne qualité résistant à la haute température de plus ou moins 1300 °C permettant l'apport de sel marin nécessaire à la vitrification des poteries.
Le combustible fut d'abord le bois fourni par la forêt omniprésente et ensuite, dès le XVIIIe siècle, le charbon.
Le Franc-Métier réunissait les maîtres ou patrons, les apprentis ou candidats maîtres et les serviteurs ou ouvriers.
Ils étaient administrés par deux gouverneurs: un de Châtelet et un de Bouffioulx, élus chaque année le 26 décembre, jour de la Saint-Etienne; Saint-patron des potiers de l'entité.
Le Franc-Métier des potiers survient à l'époque révolutionnaire qui avait cependant décrété la suppression des corporations mais il avait perdu tout pouvoir. Il disparut en 1824.
Dès le XVIIe siècle, les grandes familles nobles ont commandé leur vaisselle armoriée aux potiers de Bouffioulx. Ces grès étaient surtout connus pour leur grand raffinement et leur originalité.
Fin du XVIIIe siècle, la conjoncture économique, et plus spécialement la concurrence de la faïence, ne laisse plus guère de place aux productions de grès à caractère artistique qui dès lors tombèrent presque dans l'oubli.
Toutefois, peu avant la première guerre mondiale, la tradition reprit grâce à quelques chercheurs-céramistes passionnés du grès d'art.
La Poterie Biron
Joseph Biron fut de ceux-là. Dès sa plus grande jeunesse, il s'initia au tour et en 1935, construit sa poterie. Passionné de grès, il rêvait de construire une maison en forme de vase.
Son fils, Willy Biron, construit sa propre poterie en 1947, rue de la Maladrerie.
Sa fille, Nelly Biron, s'initia quant à elle, à la décoration à l'Académie des Beaux-Arts de Charleroi et se spécialisa dans le grès décoré.
Depuis le décès de monsieur Willy Biron, en 1980, la succession est assurée par monsieur et madame Clovis Lambert-Biron, son beau-fils et sa fille, qui perpétuent la tradition familiale.
Leur fils, Sébastien, les a rejoint en 1995, la quatrième génération de potiers.
Les étapes de fabrication
Première étape de la fabrication: la préparation de l'argile
Tout d'abord, il faut de la matière première: l'argile. Autrefois, le potier allait prélever son argile dans les carrières proches de chez lui. Suite à la raréfaction des carrières argileuses en Belgique, les potiers importent aujourd'hui l'argile des pays voisins (Allemagne, France et Hollande).
Il faudra passer une bonne demi-heure journalière dans les bassins où, muni d'une bêche, on va travailler l'argile, la malaxer, la pétrir et faire des mélanges pour la rendre plastique et homogène. Cette opération s'appelle "El djebo" en termes de bon potier wallon.
Dès que la terre est malléable, elle passe dans un mélangeur à cylindres où elle est filtrée pour éliminer les dernières impuretés et ressort en blocs compacts. Ces blocs sont entreposés dans une cage plastifiée pour conserver à l'argile son état pâteux.
Pour tourner, le potier modèle des portions de terre en forme de boules appelées "masses". Celles-ci sont pesées et écrasées pour éliminer toutes les bulles d'air qui restent encore à l'intérieur. Les masses ainsi préparées peuvent être amenées sur le tour.
Seconde étape: 10 à 12 années d'apprentissage
Le façonnage des pièces peut commencer. C'est ce qu'on appelle le tournage qui donnera naissance à l'objet désiré.
L'opération suivante se prénomme "le tournassage". Elle consiste à affiner le fond de la pièce. A l'aide d'une rasette, le potier va ôter des copeaux de terre et améliorer la forme de la pièce.
Les pièces terminées sont rangées sur des lattiers (étagères). Celles-ci d'abord déposées sur le lattier le plus proche du sol graviront chaque jour un étage, le sommet des lattiers représentant la phase finale de séchage.
Et viennent ensuite les opérations de finitions.
Travail de finition: décoration et émaillage
Quand les pièces sont encore humides, on passe à la pose des anses et puis à la décoration.
A l'aide d'un stylet, le décorateur va décorer les pièces en enlevant une fine couche de terre.
Après séchage, on peut passer à l'opération coloration: c'est l'émaillage.
On mélange plusieurs sortes d'émaux (oxydes métalliques) dans des proportions bien déterminées. Ces mélanges peuvent être composés de 15 ou 16 oxydes différents. Ceux-ci varient de l'oxyde de fer, du manganèse au cobalt ou à l'étain. A ce mélange, on ajoute une pâte adhésive faisant usage de colle. Le mélange s'effectue dans une turbine remplie de galets et est ensuite filtré pour récupérer les galets et enlever les impuretés. La couleur ainsi obtenue peut encore changer après la cuisson finale. Avant d'appliquer les émaux, il ne faut pas oublier d'apposer la signature de la maison.
Les pièces sont poncées et la couleur est enfin appliquée.
Dernière étape: la cuisson au charbon ou au gaz
Les pièces sont enfournées dans un four en briques réfractaires.
Cet enfournage peut durer plusieurs jours car chaque pièce doit être bien séparée de son support avec de la silice pour éviter que les pièces ne se soudent durant la cuisson.
Quand le four est rempli, on cimente son entrée appelée dans le jargon du potier "La Tesmur".
Il existe trois étapes de cuisson:
- Le ressuage pour éliminer l'humidité
- Le petit feu de 700 à 1000 degrés
- Le grand feu jusqu'à 1260 degrés
A partir de 1220 degrés, on procède au salage afin d'obtenir par réaction chimique les lustres ou vernis.
Après les 32 heures de cuisson (four au charbon), on couvre le feu, c'est-à-dire que l'on cimente le four en lui-même afin de stopper l'arrivée d'oxygène et ainsi, l'étouffer.
Le refroidissement durera 4 à 5 jours.
Le four à gaz est également utilisé mais pour des objets plus modernes au niveau des goûts et des couleurs, le temps de cuisson sera plus rapide et variera de 12 à 15 heures.
Le cycle est terminé: la terre est devenue oeuvre d'art
A la rencontre des artisans
Une année de travail, cela se fête! Chaque année, le premier dimanche de juillet, la Poterie Biron expose ses plus belles épreuves réalisées pendant l'année.
Lors de la fête de la poterie, plus de 10.000 personnes se déplacent chaque année pour venir admirer les plus belles pièces et craquer sur leur beauté.
N'hésitez pas à nous contacter pour toute demande d'informations.